Dilara Vanessa TRUPIA

Présentation Générale


Ancrés dans une formation à la recherche portant sur le web et les usages d’Internet, les travaux de Dilara Vanessa Trupia traitent, depuis une dizaine d’années, des nouvelles formes de coordination collective qui émergent au sein des mondes numériques et qui se diffusent dans des mondes sociaux de plus en plus variés, pour réorganiser les espaces, les activités ainsi que les conceptions traditionnelles du travail et de l’organisation.

Au croisement de la sociologie de l’innovation, du travail, des sciences et des techniques, sa recherche doctorale réalisée sous la direction de Patrice Flichy a porté, plus particulièrement, sur le processus par lequel deux dispositifs de coopération issus des mondes numériques, dont un tiers-lieu (un espace de coworking) et un format de co-création (hackathon), concourent à produire de nouvelles conventions pratiques et relationnelles du travail coopératif à la frontière de mondes sociaux hétérogènes.

Depuis 2019, elle se concentre sur les organisations de la santé, pour explorer aux côtés d’Alexandre Mathieu-Fritz et du Dr. Tu Anh Duong, la manière dont cette confrontation aux mondes numériques se produit dans le cas spécifique des acteurs de ce domaine. Combinant cette réflexion avec une étude sur les usages, ses recherches au sein de la Chaire « Avenir Santé Numérique » dirigée par le Dr. Duong portent actuellement sur les transformations des organisations et des pratiques de soin existantes liées à l’intégration de nouveaux dispositifs numériques dans trois principaux domaines : la téléexpertise et l’IA en dermatologie, la téléconsultation en médecine générale et en médecine du travail, et l’autosurveillance des patients atteints de maladies respiratoires chroniques (dont la mucoviscidose) à l’aide d’objets connectés

Plus récemment, ses travaux d’enquête incluent les questions associées à la variabilité des modalités d’intégration et d’utilisation concrètes de ces nouveaux dispositifs selon les différents contextes de soin, notamment pendant la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19.

Voir aussi : LinkedIn, Research Gate, Hal Archive

Thèse de doctorat


Dilara Vanessa Trupia a réalisé une thèse intitulée « Une ethnographie de l’innovation ouverte : le cas de La Cantine Numérique » qu’elle a soutenu le 9 mai 2019 devant le jury composé de Patrice FLICHY, Professeur émérite à l’Université Paris-Est (Directeur), Valérie BEAUDOUIN, Directrice d’études à Télécom ParisTech (Rapporteur), Alexandre MALLARD, Directeur de recherche à Mines ParisTech (Rapporteur), Alexandre MATHIEU-FRITZ, Professeur à l’Université Paris-Est (Examinateur), Franck COCHOY, Professeur à l’Université de Toulouse II (Examinateur) et Dominique CARDON, Professeur à Sciences Po’ Paris (Examinateur et président du jury).

Résumé : Innover l’innovation. Telle est l’idée de l’innovation ouverte qui, dès sa formalisation dans les sciences de gestion, est déclarée comme le « nouvel impératif pour créer et profiter des technologies ». Présentée comme un nouveau paradigme de gestion, cette notion recouvre cependant des définitions et des réalités fort variées selon les acteurs qui sont toujours de plus en plus nombreux à rechercher ses modes d’organisation. Cette thèse porte précisément sur cette recherche de nouveaux modèles qui se construisent ni au sein des entreprises ni seulement par des collectifs d’innovation, mais à travers des lieux et des dispositifs de coopération en présentiel qui émergent dans les mondes numériques pour agir dans l’entre-deux, comme des espaces tiers à ces derniers. Elle entend montrer que cette recherche permanente, loin d’être aléatoire, est organisée au-delà d’un assemblage d’outils de gestion, par des modes d’action et de représentation qui se constituent au sein de ces lieux, de manière située, sous forme de nouvelles conventions pratiques et relationnelles du travail coopératif. Dans une démarche empirique, cette thèse propose une immersion ethnographique dans l’expérience de « La Cantine », le premier espace de coworking qui se constitue comme le haut lieu de l’innovation numérique à Paris, géré par une association d’entreprises, Silicon Sentier. Initiée en 2010 comme une participation observante, l’enquête est conduite entre les années 2011 et 2014 sur trois fronts : le lieu, les dispositifs d’innovation ouverte et le travail d’intermédiation mené à la frontière de mondes hétérogènes. Plutôt que de considérer l’innovation ouverte comme une donnée d’entrée, la description permet de suivre la manière dont une conception particulière émerge dans la trajectoire d’institutionnalisation du lieu (Partie 1), à travers sa dimension matérielle et ses modes de cadrage hybrides (Partie 2), ainsi que dans le travail d’intermédiation réalisé par ses permanents (Partie 3). La thèse mobilise une pluralité de cadres théoriques pour analyser chacun de ces aspects : une approche écologique des mondes sociaux, une approche situationniste des cadres et des cadrages et, enfin, une approche interactionniste du travail de coopération. En articulant ces approches, elle propose enfin une étude conclusive qui permet d’élargir la portée de la réflexion construite au sein de La Cantine, au-delà de celle-ci, lorsque des dispositifs d’innovation ouverte se diffusent dans le monde des organisations. Cet élargissement permet de caractériser ces « dispositifs-frontières » par un mouvement permanent de cadrage et de débordement, de structure commune et de flexibilité interprétative et organisationnelle, de formalisation et de déstabilisation à travers lequel les principes de coopération provenant des mondes numériques sont non seulement traduits dans l’ordre des interactions, mais aussi institutionnalisés dans des mondes de plus en plus éloignés.

Mots-clés : innovation ouverte, intermédiaire, mondes hétérogènes, coopération située, espace hybride, dispositif-frontière.

 

Projets de recherche


Dilara Vanessa Trupia travaille aujourd’hui au montage et à la réalisation de plusieurs projets de recherche post-doctorale sur les modalités d’intégration et d’utilisation concrète de nouvelles technologies dans le domaine de la santé.


Étude sociologique non-interventionnelle sur la variabilité des pratiques de la télédermatologie (téléconsultation et/ou téléexpertise) selon les contextes de soin (ordinaire et crise) (SOCIO-TELDERM)

La télémédecine (TLM) qui consiste à réaliser les actes médicaux à distance, fait partie des principales mesures de prévention des risques adoptées pour faire face à l’épidémie du Covid-19. A l’appui d’un décret gouvernemental qui prévoit l’assouplissement des conditions de remboursement des actes de TLM à partir du 9 mars 2020, l’ensemble des activités planifiées en face-à-face est reprogrammé à distance. Or ni la publication de décrets, ni la disponibilité technique des outils ne suffisent pour redéployer les pratiques médicales telles quelles, du jour au lendemain, dans le nouveau cadre de la TLM. Dans ce contexte d’urgence où les TIC sont intégrés dans les pratiques à marche forcée, les soignants font face à une série de questions qui touchent non seulement aux dimensions réglementaires (ex. protection des données) et techniques (ex. dysfonctionnements) des dispositifs techniques, mais aussi à l’examen clinique et à la relation thérapeutique qu’ils sont contraints désormais d’adapter à ce cadre d’exercice à distance. Comment les professionnels de santé transposent-ils leur pratique dans le cadre des pratiques médicales à distance ? Comment le travail qui consiste à réaliser un examen clinique, à formuler un diagnostic, à produire une prescription est-il réalisé sans pouvoir toucher ou voir directement soi-même le patient, ni disposer des données de mesure ? Comment les pratiques varient selon les contextes spécifiques des usagers, mais aussi les contextes de soin plus globaux qui conditionnent le déploiement de ces dispositifs ?

Ce projet de recherche propose de répondre à ces questions en étudiant les activités souvent invisibles qui sont réalisés par les usagers, tant par les professionnels de santé que par les patients, pour faire fonctionner ces dispositifs de télémédecine au quotidien, à la fois dans le contexte spécifique de leur activité et dans des contextes de soin variés (ordinaire et crise). Cette étude portera sur le cas particulier de la télédermatologie et du programme TELDERM déployée par l’AP-HP, au sein du site pilote de l’hôpital Henri Mondor et qui permet depuis 2016, la réalisation des avis de dermatologie par téléexpertise (TLX) sur la base d’iconographies et de photos envoyés via des outils sécurisés. Depuis le début de la crise sanitaire, la plateforme permet également de déployer à grande échelle la téléconsultation (TLC) avec les patients. L’étude propose ainsi de réaliser deux sous-études portant chacune sur un type d’acte de la télédermatologie :
– SOCIO-TELDERM 1 : les usages sociaux et la variabilité des pratiques de la TLX
– SOCIO-TELDERM 2 : le déploiement et les usages de la TLC en contexte de crise sanitaire

L’objectif est d’analyser les modalités d’intégration et d’utilisation concrète des dispositifs de TLM pour comprendre l’impact du contexte de crise sanitaire, à la fois sur les pratiques médicales et sur le déploiement de la TLM en dermatologie.

Cette recherche est réalisée dans le cadre d’un contrat post-doctoral établi au sein de l’IMRB (Institut Mondor de Recherche Biomédicale, Unité 955 INSERM – Université Paris-Est Créteil, Équipe 8, Chaire « Avenir Santé Numérique ») et financé par la fondation de l’Avenir. La réalisation de cette étude est co-encadrée par le Dr. Tu Anh Duong (M.D., Ph.D.) au sein de l’IMRB et par le Prof. Alexandre Mathieu-Fritz (Ph.D.) au sein du LATTS.


Étude sociologique non-interventionnelle sur le déploiement et les pratiques de la téléconsultation dyadique avec les patients en médecine générale (TELE-MG)

Cette étude portera sur le cas particulier de la téléconsultation (TLC) dyadique avec les patients, réalisés en médecine générale (MG). En première ligne de la gestion de la crise du Covid-19, les MG sont amenés depuis le passage à la « phase 3 » de la gestion quotidienne du coronavirus, le 14 mars 2020, à remplir de nouveaux rôles de premier recours prioritaire et rapide dans la co-régulation ville/hôpital, sans renoncer à leurs missions habituelles. La TLC dyadique avec les patients s’imposent alors comme une solution généralisée pour appliquer les mesures de prévention. Mais elle ne va pas sans poser de nombreuses difficultés que cette étude propose de restituer, notamment sur :
– La pratique de la TLC dyadique entre les MG et les patients qui se situent chacun dans des configurations techniques et des environnements sociaux différents ;
– Le passage au régime de gestion de crise et les stratégies d’adaptation aux nouvelles incertitudes concernant à la fois les connaissances médicales liées au Covid-19 et aux utilisations de la TLC.

L’objectif est d’analyser les modalités d’intégration et d’utilisation concrète des dispositifs de TLM pour comprendre l’impact du contexte de crise sanitaire, à la fois sur les pratiques médicales et sur le déploiement de la TLM en MG, à la fois dans l’immédiat et sur le long terme (cadre juridique et réglementaire, remboursement, etc.).

L’étude est réalisée dans le cadre d’un contrat post-doctoral établi au sein de l’IMRB (Institut Mondor de Recherche Biomédicale, Unité 955 INSERM – Université Paris-Est Créteil, Équipe 8, Chaire « Avenir Santé Numérique ») et financé par la fondation de l’Avenir. La réalisation de cette étude est co-encadré par le Dr. Tu Anh Duong (M.D., Ph.D.) au sein de l’IMRB et par le Prof. Alexandre Mathieu-Fritz (Ph.D.) au sein du LATTS.


La télémédecine et la santé au travail en zone rurale : une monographie de l’introduction de la cabine de téléconsultation et du camion connecté dans la médecine de prévention en Dordogne

Ayant connu un développement très lent depuis les années 80, la mise en place de la télémédecine (TLM) emprunte parfois des voies inattendues, surtout dans les zones rurales où elle est prioritairement destinée. C’est le cas de deux nouveaux dispositifs de téléconsultation (TLC) qui voient le jour l’un après l’autre dans le département de la Dordogne en Région Nouvelle Aquitaine (à Périgueux et à Bergerac), grâce à la mutualisation de moyens entre le Service de Santé au Travail de Dordogne (SST24) et l’Association Interentreprises pour la Santé au Travail en Corrèze (AIST 19) qui exerce au nom de la préfecture de la Dordogne, la médecine de prévention pour une partie des agents du ministère de l’intérieur en poste dans le département. Le premier projet consiste en une cabine de TLC, Consult’Station, mise en place en octobre 2020 par la société H4D – Health for Development – dans le cadre du programme d’expérimentation de la TLM par le ministère de l’intérieur, au sein de la Direction Départementale des Territoires à Périgueux. Le second projet, quant à lui, est celui d’une unité mobile de TLM qui, basée à Bergerac, peut cependant se déplacer au sein du département pour réaliser les consultations des agents, au plus proche de leur lieu de travail.

Ce projet de recherche consiste en une étude monographique de la mise en place et des premiers usages de ces deux dispositifs de TLM en santé au travail dans la zone rurale de la Dordogne. L’objectif est de retracer la trajectoire de ces innovations et d’identifier les principaux freins auxquelles les différents acteurs, à la fois promoteurs et usagers, sont confrontés dans l’introduction de ces dispositifs dans les organisations et les pratiques de la médecine du travail. La recherche permettra ainsi de déterminer les ressorts et les limites de ces dispositifs, mais aussi de rendre compte des effets de la mise en place de la TLM sur l’organisation territoriale, les pratiques professionnelles et les interactions en médecine du travail dans une zone rurale.


Accompagnement à l’Autonomie en Santé des patients adultes atteints de mucoviscidose à l’aide des nouvelles Technologies et en partenariat avec leur équipe soignante (AAST-MUCO)

Comment s’élaborent les usages des nouveaux dispositifs d’autosurveillance par les patients ? Comment ces usages font-ils évoluer le suivi des pathologies et la prévention des risques liées aux maladies ? Dans quelle mesure ces dispositifs favorisent-ils l’autonomisation (empowerment ou « encapacitation » en français) des patients atteints de maladies chroniques ? Ce projet de recherche en sciences humaines et sociales propose de réaliser une étude qualitative sur les modalités d’intégration et d’utilisation concrètes d’un dispositif d’autosurveillance, dénommé « Pheal », dans le quotidien des patients atteints de la mucoviscidose et pour l’équipe soignante.

Développée par la société PHEAL, ce dispositif est composé d’un ensemble d’objets connectés (montre, balance, spiromètre, etc.) qui permettent de relever régulièrement des paramètres physiologiques (poids, oxygénation, nombre de pas, etc.) et de les consulter sur une application numérique qui permet également de saisir manuellement des ressentis (fatigue, essoufflement, etc.) et des traitements des patients. Ce dispositif intégré à la vie quotidienne des patients leur permet ainsi de suivre en autonomie et en continu des paramètres de santé pertinents pour anticiper une dégradation de leur état de santé et la prévenir en ajustant leur comportement. Le partage des mesures effectué à distance ou lors d’une consultation avec l’équipe soignante participe à l’éducation thérapeutique du patient, à l’amélioration de la connaissance par l’équipe soignante de l’évolution de l’état de santé du patient, en vue de définir la meilleure stratégie et les meilleurs comportements pour sa santé.

L’étude de ce dispositif d’autosurveillance vise à analyser les activités souvent invisibles qui doivent être réalisées par les patients eux-mêmes pour le faire fonctionner dans la prise en charge de leur maladie. L’objectif est ainsi de comprendre comment les usages sont déployés à travers ce « travail invisible » mené dans différents contextes d’appropriation à domicile des patients et en partenariat avec leur équipe soignante. L’étude permettra d’identifier les freins et de définir les leviers d’action pour que son déploiement soit réalisé de manière satisfaisante pour les patients et les soignants, c’est-à-dire de manière à renforcer le sentiment de contrôle, à réduire l’état d’anxiété ou de dépression et in fine à soutenir l’encapacitation des patients atteints de la mucoviscidose par rapport à leur maladie

Financée par l’Association Grégory Lemarchal, l’étude aast-muco est mise en place au sein du Centre de Ressources et de Compétences de la Mucoviscidose (CRCM) de l’hôpital Foch de Suresnes, sur une durée de 12 mois. Elle repose sur le recrutement d’une quinzaine de patients adultes atteints de la mucoviscidose qui sont suivis par les pneumologues du CRCM de l’hôpital Foch, et sur leur équipement et leur utilisation quotidienne du dispositif Pheal à leur domicile pour échanger ensuite sur leur expérience avec leur médecin, dans le cadre confidentiel de trois consultations de suivi de routine réalisées à l’hôpital. À la fin de chaque consultation, les soignants évalueront avec les patients l’intérêt d’intégrer ce type de technologie dans le processus de suivi.


Modes d’Existence de l’Intelligence Artificielle en Santé (MEDIAS)

Si l’Intelligence Artificielle (IA) n’est pas (encore) véritablement intégrée dans les pratiques quotidiennes des professionnels de santé, un nombre grandissant d’applications font leur apparition dans le monde médical. L’engouement autour de ces systèmes apprenants s’accompagne de discours et de promesses dont l’épaisseur dépasse parfois celle des usages qui en sont fait par les professionnels de santé. L’apparition progressive et parfois fantomatique de ces nouvelles applications est investie notamment par les discours tenus habituellement autour de l’automatisation et du remplacement de l’homme par la machine. Mais les travaux qui rendent compte de façon précise de la manière dont les usages se développent concrètement, en situation, dans divers contextes organisationnels et professionnels, sont plus rares. En insistant sur la période particulière de leur introduction dans l’organisation des soins existante, ce projet de recherche consiste à réaliser une étude qualitative sur la manière dont les nouveaux dispositifs d’IA s’intègrent et se confrontent à la réalité concrète des pratiques médicales. Le terrain privilégié par l’équipe du LATTS est celui de la dermatologie qui s’y prête particulièrement bien à l’intégration de l’IA, le traitement des images constituant un des domaines de prédilection de l’intelligence artificielle.

Cette étude fait partie d’un projet plus large qui est conçu sur 24 mois par le GREDEG (Groupe de Recherche en Droit, Economie et Gestion) de l’Université Côte d’Azur en partenariat avec le Centre d’éthique médicale de l’Université Catholique de Lille, dans le cadre de l’appel à projets « Usages des technologies numériques dans le champ de la santé, de l’autonomie (handicap & dépendance) et de l’accès au droit » lancé par le Ministère des solidarités et de la santé (DREES/SEES/MiRe).

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