Vanessa Dilara Trupia : Une ethnographie de l’innovation ouverte : Le cas de “La Cantine Numérique”

Directeur de thèse : Patrice Flichy

Innover l’innovation. Telle est l’idée de l’innovation ouverte qui, dès sa formalisation dans les sciences de gestion, est déclarée comme le « nouvel impératif pour créer et profiter des technologies ». Présentée comme un nouveau paradigme de gestion, cette notion recouvre cependant des définitions et des réalités fort variées selon les acteurs qui sont toujours de plus en plus nombreux à rechercher ses modes d’organisation. Cette thèse porte précisément sur cette recherche de nouveaux modèles qui se construisent ni au sein des entreprises ni seulement par des collectifs d’innovation, mais à travers des lieux et des dispositifs de coopération en présentiel qui émergent dans les mondes numériques pour agir dans l’entre-deux, comme des espaces tiers à ces derniers. Elle entend montrer que cette recherche permanente, loin d’être aléatoire, est organisée au-delà d’un assemblage d’outils de gestion, par des modes d’action et de représentation qui se constituent au sein de ces lieux, de manière située, sous forme de nouvelles conventions pratiques et relationnelles du travail coopératif.
Dans une démarche empirique, cette thèse propose une immersion ethnographique dans l’expérience de « La Cantine », le premier espace de coworking qui se constitue comme le haut lieu de l’innovation numérique à Paris, géré par une association d’entreprises, Silicon Sentier. Initiée en 2010 comme une participation observante, l’enquête est conduite entre les années 2011 et 2014 sur trois fronts : le lieu, les dispositifs d’innovation ouverte et le travail d’intermédiation mené à la frontière de mondes hétérogènes. Plutôt que de considérer l’innovation ouverte comme une donnée d’entrée, la description permet de suivre la manière dont une conception particulière émerge dans la trajectoire d’institutionnalisation du lieu (Partie 1), à travers sa dimension matérielle et ses modes de cadrage hybrides (Partie 2), ainsi que dans le travail d’intermédiation réalisé par ses permanents (Partie 3). La thèse mobilise une pluralité de cadre théorique pour analyser chacun de ces aspects : une approche écologique des mondes sociaux, une approche situationniste des cadres et des cadrages et, enfin, une approche interactionniste du travail de coopération. En articulant ces approches, elle propose enfin une étude conclusive qui permet d’élargir la portée de la réflexion construite au sein de La Cantine, au-delà de celle-ci, lorsque des dispositifs d’innovation ouverte se diffusent dans le monde des organisations. Cet élargissement permet de caractériser ces « dispositifs-frontières » par un mouvement permanent de cadrage et de débordement, de structure commune et de flexibilité interprétative et organisationnelle, de formalisation et de déstabilisation à travers lequel les principes de coopération provenant des mondes numériques sont non seulement traduits dans l’ordre des interactions, mais aussi institutionnalisés dans des mondes de plus en plus éloignés.

Mots-clés : innovation ouverte, intermédiaire, mondes hétérogènes, coopération située, espace hybride, dispositif-frontière

Soutenance le jeudi 9 mai 2019

Doctorat : Sociologie
Année d’inscription en thèse : 2010
Ecole doctorale : OMI – Organisation, Marchés, Institutions

Jury de thèse
Valérie BEAUDOUIN, Directrice d’études à Télécom ParisTech (Rapporteur)
Alexandre MALLARD, Directeur de recherche à Mines ParisTech (Rapporteur)
Dominique CARDON, Professeur à Sciences Po’ Paris (Examinateur)
Franck COCHOY, Professeur à l’Université de Toulouse II (Examinateur)
Alexandre MATHIEU-FRITZ, Professeur à l’Université Paris-Est (Examinateur)
Patrice FLICHY, Professeur émérite à l’Université Paris-Est (Directeur)

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