Directeur(s) de la thèse : Patrice Flichy, Sylvain Parasie
“Know what people think”. Ce slogan, affiché sur la page d’accueil du site de l’entreprise britannique Brandwatch, résume à lui seul la promesse de l’industrie nouvelle associée à l’étude des opinions sur le web : savoir enfin ce que les gens pensent, et cela sans même avoir besoin de le leur demander. Un ensemble d’agences, de start-ups et d’éditeurs de logiciels propose en effet depuis le milieu des années 2000 de connaître les opinions du grand public à partir des millions de publications quotidiennes sur le web social :tweets, billets de blogs, messages sur les forums ou encore commentaires de la presse en ligne. Ces données massivement disponibles sont ainsi investies par des acteurs et des instruments extrêmement variés pour mesurer aussi bien la réputation des grandes marques et entreprises, que les réactions à une campagne publicitaire ou un débat télévisé, ou encore des pratiques de consommation émergentes ; tous ont en commun de s’intéresser pour cela aux opinions non sollicitées des internautes. Cette démarche rencontre par ailleurs un succès considérable depuis plusieurs années : en 2015, soit dix ans après la création des premières entreprises dans ce domaine, l’industrie des logiciels de social media analysis générait 2,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires selon le cabinet Markets and Markets, qui prévoit par ailleurs la croissance de ce marché jusqu’à 17,9 milliards de dollars en 2019.
À distance du positivisme qui entoure ces technologies comme d’une critique constructiviste extérieure à son objet, cette thèse cherche à décrire l’émergence de médiations d’un nouveau type qui se saisissent des traces conversationnelles du web social pour la mesure de l’opinion, et renouvellent ainsi le contenu épistémologique et politique de cette catégorie. Partant de l’hypothèse d’une pluralité des formes de l’opinion et des dispositifs qui la mesurent, nous suivons ainsi un ensemble extrêmement varié de modélisations, construites par des start-ups et entreprises innovantes. Nous nous intéressons ainsi dans un premier temps les tentatives de redéfinition de la notion de représentativité par l’échantillonnage de publics mobilisés et influents. Dans un second temps, nous étudions le modèle qui semble l’emporter sur ce marché, fondé sur des logiciels visant l’indexation exhaustive et continue des traces de la conversation en ligne. Mesurant l’opinion comme un flux continu d’événements singuliers, ces instruments rompent définitivement avec l’idée de représentativité et réactualisent une grammaire de l’opinion comme activité collective et discursive, attentive aux dynamiques médiatiques et relationnelles de la discussion en ligne. Ce régime indiciel de connaissance des opinions délaisse donc la quantification des majorités et des minorités pour la mesure des mobilisations et des mouvements de l’opinion.
Soutenance de thèse le vendredi 9 décembre 2016
Doctorat : Sociologie
Année d’inscription en thèse : 20 septembre 2011
Ecole doctorale : OMI – Organisation, Marchés, Institutions
Jury de thèse:
Loïc Blondiaux, Professeur à l’Université Paris I Sorbonne
Dominique Cardon, Professeur associé à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée
Patrice Flichy, Professeur émérite à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée (directeur)
Alexandre Mallard, Directeur de recherche Mines ParisTech
Cécile Méadel, Professeure à l’Université Paris II Panthéon-Assas
Sylvain Parasie, Maître de conférences à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée (co-directeur)