Directeur(s) de la thèse : Taoufik Souami
« Comment sont opérés les choix énergétiques dans les projets d’aménagement ? » Cette question, de curiosité, s’inscrit par ailleurs dans des préoccupations d’actualité. Face à la montée en puissance des enjeux environnementaux et plus particulièrement énergétiques dans la fabrique urbaine, le monde de l’aménagement cherche en effet à renouveler ses manières de faire. Cependant, la mise en œuvre de tels changements se heurte à une méconnaissance de la mécanique opérationnelle des projets d’aménagement.
Dès lors, notre thèse s’est construite autour de la compréhension des mécanismes de production des choix d’aménagement dans les projets urbains français. Nous nous sommes plus précisément intéressés à l’espace d’action de la maîtrise d’ouvrage urbaine, qui s’étend à l’interface entre les orientations « stratégiques » de la planification (planning) et les choix « techniques » de la conception formelle (design). Nous écartant de la division artificielle des tâches entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre, nous postulons que la maîtrise d’ouvrage urbaine est responsable d’une véritable activité de conception qui se décline sous plusieurs formes :
– la participation à l’élaboration et à l’actualisation des orientations stratégiques et des choix de programmation et de composition du projet d’aménagement ;
– l’encadrement des couples maîtrise d’ouvrage/maîtrise d’œuvre dans la fabrique des différentes composantes matérielles (bâtiments, infrastructures, espaces publics) de l’espace urbain ;
– l’élaboration et le pilotage des dispositifs et des processus d’organisation de l’action collective.
Dans ce cadre, la thèse propose d’abord de documenter empiriquement la « boîte noire » que constitue encore l’activité de conception de la maîtrise d’ouvrage urbaine. Nous appuyant sur une analyse approfondie des choix énergétiques opérés à l’occasion de l’opération d’intérêt national Bordeaux Euratlantique, il s’agit de traiter les questions suivantes : quelles sont les scènes de conception internes et externes à la maîtrise d’ouvrage urbaine et comment s’articulent-elles ? quels sont les processus qui aboutissent aux formulations et aux reformulations des choix d’aménagement au cours du projet ? et quelle instrumentation maîtrise d’ouvrage urbaine mobilise-t-elle dans son activité de conception ?
Pour ce faire nous reconstruisons, sous forme de récit, les principales séquences d’action ayant abouti à la définition d’une stratégie énergétique et environnementale, à l’organisation de la prise en compte des aspects énergétiques dans la fabrique du bâti, et à la mise en place de systèmes d’approvisionnement en chaleur et en froid. Adoptant une approche pragmatique, nous combinons des grilles de lecture issues de différentes disciplines (sociologies des organisations et des techniques, sciences de gestion) pour interpréter chacune de ces séquences d’action en mettant en lumière leurs dimensions politique, cognitive et productive.
La lecture transversale du récit nous permet ensuite de mettre en évidence le rôle primordial alloué à la décision, comprise comme un dispositif d’engagement et d’irréversibilisation de l’action collective. Comme la qualité, les coûts et les délais, la décision peut alors être considérée comme un macro-objectif qui guide la maîtrise d’ouvrage dans son activité de conception. Toutefois, le pilotage de la conception par la facilitation de la décision entre parfois en conflit avec la complexité des assemblages sociotechniques de la fabrique urbaine, caractérisés par des interdépendances qui poussent à un traitement intégré de certaines interfaces. La thèse se conclut donc par une relecture des objectifs de qualité-coûts-délais-décision au prisme d’une tension entre la logique du « définir », guidée par la performance technico-économique, et la logique du « faire advenir », guidée par l’effectivité opérationnelle.
Soutenance de la thèse le mercredi 12 décembre 2018
Doctorat en aménagement de l’espace, Urbanisme
Ecole doctorale : VTT – Ville, Transports et Territoires
Inscription en thèse : 2013
Composition du jury :
Nadia Arab, professeur des universités, Université Paris-Est, examinateur
Gilles Debizet, maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, examinateur Laurent DEVISME, professeur, École nationale supérieure d’architecture de Nantes, rapporteur
Nicolas Ferrand, ingénieur général des ponts des eaux et des forêts, Société de livraison des équipements olympiques et paralympiques, examinateur professionnel
Taoufik Souami, professeur des universités, Université Paris-Est, directeur de thèse Jodelle ZETLAOUI-LÉGER, professeur, École nationale supérieure d’architecture de Paris La Villette, rapporteur