Julien Salingue soutient sa thèse de doctorat en aménagement de l’espace et urbanisme intitulée : « Analyse longitudinale (1978 – 2013) du système d’habitat français : continuité et ruptures » le 12 janvier 2024 dans le bâtiment Bienvenüe, salle B017 – B020 à 14h.
Le jury est composé de :
Rapporteurs :
Marc Dumont, Professeur des Universités à l’Université de Lille
Yankel Fijalkow, Professeur de Sciences Sociales à l’ENSAPVS
Examinateurs :
Jean-Claude Driant, Professeur émérite à l’Ecole d’Urbanisme de Paris
Véronique Flambard, Professeure d’Economie à l’Université Catholique de Lille
Arnaud Simon, Maître de Conférences à l’Université Paris-Dauphine (PSL)
Directeur de thèse : Jean-Pierre Lévy, Directeur de recherche CNRS
Invité : Manuel Domergue, directeur des Études à la Fondation Abbé Pierre
Résumé :
Cette thèse part du constat d’une pérennisation du mal-logement durant les 30 dernières années. En s’inscrivant dans une logique économique reposant sur l’offre, l’action publique se trouve dans l’incapacité à répondre aux « crises » successives. Un état des lieux interdisciplinaires montre que peu de travaux abordent la question du logement dans une dynamique conjointe des ménages (mobilité résidentielle) et des logements (construction-destruction-réhabilitation). En nous appuyant sur la notion de filtering process et la méthode des chaînes de vacances des logements (vacancy chains), notre thèse propose de dépasser ce verrou à travers la création de nouveaux concepts (position sociale, fonction et profil démographique) permettant une analyse globale et dynamique du système de l’habitat. A cette fin, nous avons développé le modèle Analyse des Systèmes d’Habitat (ASHA) qui simule l’impact des variations de l’offre de logements sur l’ensemble du système à partir des mobilités des ménages (taux de rotation) entre les types de logements (chaînes vacances).
Ce modèle a été utilisé en mobilisant les données des huit Enquêtes Logement (INSEE, ENL, 1978 à 2013), pour analyser, dans une approche rétrospective, prospective et expérimentale, l’évolution du système de l’habitat dans une profondeur longitudinale de 35 ans. Par une observation empirique simple, la première analyse a permis d’identifier le fonctionnement du système actuel (2013) structuré en filières résidentielles reproduisant la hiérarchie de la société globale. Les simulations du prolongement des politiques d’offre successives (entre 1978 et 2013) ont montré que la véritable rupture du système tient au prolongement des logiques de programmation de la réforme de 1977 (promulguée dans le contexte des Trente Glorieuses) jusqu’en 2013. Loin d’abandonner totalement l’aide à la pierre, la réforme institue la création d’une accession à la propriété aidée en faveur des couches supérieures, moyennes et populaires solvables, au détriment des ménages précaires souvent jeunes.
L’analyse prospective a, quant à elle, simulé le prolongement du système de 2013 jusqu’en 2050. Les résultats montrent sa forte instabilité. L’effondrement du parc locatif privé entraîne les ménages dans une accession précoce qui les fragilise et les exclue du système. D’autre part, il fait apparaître de fortes tensions dans la filière sociale. Le modèle ASHA offre également la possibilité d’effectuer des simulations prospectives expérimentales de politiques du logement alternatives : construction massive de logements sociaux et tentative de constructions de logements dans la perspective de fluidifier le système (adaptation aux logiques résidentielles). Les résultats ne modifient pas en profondeur l’organisation du système qui demeure très inégalitaire socialement. En ce sens, ils montrent que la résolution du mal-logement impose de considérer qu’une politique d’offre ne peut, à elle seule, répondre à une vulnérabilité résidentielle due aux effets d’une précarisation de la sociétale globale. Dans ce contexte, une refonte du système passe probablement par une réforme intégrant les profondes transformations du contexte social actuel et futur.