Directeur de la thèse : Olivier COUTARD
La question de la transition énergétique se situe aujourd’hui en haut de l’agenda politique. L’objectif de cette thèse est de s’interroger sur l’émergence d’un nouveau modèle électrique, de déterminer quelles sont ses caractéristiques et s’il représente une alternative au modèle centralisé. En combinant trois perspectives d’analyse institutionnelle, technologique et territoriale , elle démontre que ce modèle centralisé a vécu. Un faisceau de changements a transformé en profondeur le système électrique dans sa matérialité et son organisation : libéralisation, production distribuée, décentralisation politique, etc. La nouvelle configuration qui s’élabore est hybride. Elle est le résultat de tensions entre d’un côté des innovations porteuses de changements sociotechniques importants et de l’autre des mécanismes de centralisation politico-administrative et de concentration technico-économique. L’État a perdu son hégémonie mais pas sa centralité, alors même que le secteur s’est diversifié (acteurs, technologies) et que l’électricité se diffuse dans toute la société (accession à la production, processus législatif, etc.). Ni la montée en compétence contrariée de l’UE, ni la libéralisation, ni l’émergence des collectivités n’ont totalement remis en cause sa capacité à se positionner au centre de la régulation du secteur. Son action est tout à la fois sélective (désengagement de l’opérationnel), intégratrice (EnR, collectivités), diffuse (financement, R&D, législation, etc.) et parfois interventionniste (actionnariat, tarification, réseaux de transport et de distribution, etc.). Dans un contexte libéral, l’État s’adapte par une réforme pragmatique de son action et par l’intégration contrôlée des alternatives. Ce « libéralisme apprivoisé » correspond à une territorialisation de la politique publique de l’énergie à l’intérieur de laquelle les collectivités s’imposent selon une logique à la fois ascendante et descendante. Celles-ci sont en train, d’une part, principalement autour des EPCI et des conseils régionaux, de s’imposer comme des partenaires obligés de l’État dans la mise en œuvre et la gestion d’une pluralité de processus et de dispositifs techniques infranationaux. D’autre part, elles souhaitent s’affirmer dans ce secteur et disposent pour cela de leviers opérationnels (concession, planification, soutien aux EnR, information, etc.). Cette appropriation reste encore aujourd’hui partielle et inégale mais représente une tendance forte qui fait du local le nouvel horizon du secteur, y compris pour l’État qui adapte son organisation administrative autour de l’échelle régionale. Un processus d’autonomisation des collectivités, de nature juridique, est donc à l’œuvre, organisé par l’État et relevant d’une libre administration énergétique qui ne peut être réduite au développement d’une capacité de production d’énergie. Les nouvelles délimitations issues de cette autonomisation aboutissent à un agencement de territoires institutionnels qui ne remettent pas fondamentalement en question l’échelle nationale et le rôle de l’État. Cette configuration hybride dépend des modalités de développement de la production soumis à des mécanismes de concentration technico-économiques propres à l’industrie de réseau électrique, à son contexte, ainsi qu’aux logiques spatiales et territoriales dépendants de paramètres infrastructurels. C’est ce que démontre le déploiement contre-intuitif de la production distribuée qui s’effectue sous une forme mixte centralisée/décentralisée, résultat de l’interaction entre des formes de contrôle et des conditions sociotechniques spécifiques (spatialisation, logiques d’échelle, concentration des acteurs, etc.). La configuration qui émerge combine des éléments de rupture/décentralisation et de continuité/centralisation. Compte tenu de l’importance des évolutions à venir NTIC, stockage , celle-ci ne représente cependant probablement qu’une étape d’un long cheminement vers un nouveau modèle énergétique.
Doctorat en Aménagement de l’espace, Urbanisme
Année d’inscription en thèse : 2009
Ecole doctorale : VTT – Ville, Transports et Territoires
Soutenance de thèse le mercredi 12 octobre 2016
Composition du jury :
Sabine Barles (Paris I)
Olivier Coutard (LATTS, directeur de thèse)
Gilles Debizet (Université Grenoble Alpes)
Jérôme Dubois (Université d’Aix-Marseille)
Alberto Pasanisi (EIFER)
François-Mathieu Poupeau (LATTS).