Directrice de thèse : Sylvy Jaglin
Les décennies 1990-2000 ont été marquées, dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, par l’adoption de politiques néolibérales réputées favorables aux objectifs de développement (OMD). Le Sénégal et la Tanzanie ne font pas exception. Dans le secteur de l’électricité, les faibles taux d’électrification, d’une part, l’incapacité des opérateurs publics à étendre rapidement le réseau conventionnel, d’autre part, ont conduit leurs gouvernements à engager des réformes institutionnelles caractérisées par la libéralisation du secteur et la création d’agences dédiées à l’électrification rurale. D’abord prérogative des gros opérateurs nationaux ou internationaux, l’électrification rurale est désormais ouverte à de plus petits opérateurs privés. Assortie d’un allègement des contraintes administratives et de nouvelles sources de financement, la libéralisation profite aux solutions décentralisées (mini-réseaux et kits solaires en particulier).
En résulte, dans les deux pays, une diversification des modes de fourniture d’électricité reposant sur des dispositifs, des acteurs, des ressources et des modes de gouvernance pluriels, qui coexistent localement et que la recherche analyse comme des arrangements de coproduction. A travers une étude comparative multiscalaire menée, au Sénégal et en Tanzanie, dans des aires d’urbanisation diffuse, la thèse propose un cadre conceptuel et une méthodologie pour repenser la nature et les conditions de fourniture d’un service essentiel à partir des arrangements hétérogènes observés. Elle mobilise ainsi le notion de configurations locales de fourniture pour appréhender de manière décloisonnée l’ensemble des solutions d’électrification en présence, comprendre leurs interdépendances et examiner les conditions d’une possible régulation des divers modes de fourniture d’électricité à cette échelle.
En croisant une approche sociotechnique située des configurations de fourniture d’accès à l’électricité et une approche socioéconomique des marchés locaux de l’électricité, la thèse propose une conceptualisation des géographies émergentes de la fourniture électrique dans des territoires marqués par une urbanisation rapide et diffuse. D’un côté, elle démontre que les politiques néolibérales d’électrification ont conduit à une diversification de l’offre électrique, plus adaptée à la pluralité des demandes, à un accroissement moyen des taux de couverture et des taux d’accès dans ces espaces, ainsi qu’à une amélioration – au moins partielle – de la qualité des services fournis sous l’effet de la concurrence de marché. D’un autre côté, elle souligne les limites de ces politiques et de leurs logiques marchandes, qui aboutissent à un accroissement des inégalités socio-spatiales à toutes les échelles et à l’exclusion des plus pauvres de toute forme d’accès à l’électricité. L’analyse de ces écueils met en exergue la nécessité de mécanismes de régulation, dont la thèse scrute les prémisses, encore fragiles et disparates. Interrogeant qui obtient quel service et où, elle esquisse enfin des pistes de réflexion sur ce que pourrait être la transition vers un futur service (public) essentiel de l’électricité dans ces environnements urbains en mutation.
Soutenance le vendredi 14 janvier 2022
Mots clés : Configurations locales de fourniture ; hybridations électriques ; inégalités d’accès ; coproduction ; régulation des services ; Sénégal ; Tanzanie
Année d’inscription en thèse : 2017
Ecole doctorale : VTT – Ville, Transports et Territoires
Composition du jury
Mme Sylvy JAGLIN, Université Gustave Eiffel, Directrice de thèse
Mme Pascale TROMPETTE, Université Grenoble Alpes, Rapporteure
Mme Luisa MORETTO, Université Libre de Bruxelles, Rapporteure
M. Eric VERDEIL, Sciences Po Paris, Examinateur
M. Philippe LAVIGNE DELVILLE, IRD, Examinateur
M. Bruno VALFREY, Hydroconseil, Invité