Le périurbain est régulièrement stigmatisé au titre de la surmobilité (notamment automobile) qu’il entraîne. Dans ce travail de doctorat, nous avons pris au sérieux cette critique et l’avons mise à l’épreuve en explorant les liens entre le cadre de vie et la mobilité de loisir. De fait, si certains travaux ont porté exclusivement sur l’influence des variables socioéconomiques (niveau de diplôme, PCS, revenu) des ménages pour expliquer leur mobilité, d’autres ont mis en évidence l’influence du contexte urbain. Nous nous appuyons sur ces travaux, mais en opérant un double déplacement. D’une part, nous ne prenons pas seulement en compte le contexte urbain commun à un ensemble de ménages, mais aussi le cadre de vie propre à chaque ménage (entendu comme l’espace ordinairement pratiqué par le ménage considéré dans son contexte urbain). D’autre part, nous faisons l’hypothèse que les pratiques spatiales des ménages (tant au sein de leur cadre de vie qu’en dehors) reposent également sur leur « rapport à leur cadre de vie ». Le « rapport au cadre de vie » ne résulte pas seulement des caractéristiques socio-économiques des ménages mais renvoie aussi à leur histoire propre, leur parcours résidentiel, leur valorisation différenciée des dimensions fonctionnelle, sociale et sensible (en d’autres termes, leur représentation) de leur cadre de vie.
Notre travail a donc consisté à tester empiriquement les hypothèses de l’influence du contexte urbain et du rapport au cadre de vie sur la mobilité de loisir. Les agglomérations francilienne et romaine, qui présentent des structures urbaines et des modèles de périurbanisations contrastés, constituent nos terrains d’étude. Pour notre échantillon nous avons retenu des familles (ménages d’adultes entre 30 et 45 ans avec enfants) et avons mené des enquêtes dans 9 quartiers (dans leur contexte urbain), se distinguant par leur situation géographiques (centrale, péricentrale, périurbaine) et leur niveau de desserte en transport collectif. Notre travail empirique combine trois approches complémentaires : une approche contextuelle dans laquelle nous décrivons les caractéristiques fonctionnelles, sensibles et sociales des terrains d’étude, une approche qualitative comprenant 81 entretiens semi-directifs et une approche quantitative reposant sur 2250 entretiens téléphoniques (questionnaire fermé) auprès de ménages résidents dans les quartiers étudiés. A partir de l’apport de la littérature, une grille d’analyse a permis de traiter les entretiens et de classer les ménages selon 5 profils de « rapport au cadre de vie » à partir de leurs représentations et de leurs pratiques dans les registres fonctionnel, sensible et social.
Nos résultats statistiques confirment la forte influence du revenu et de la position socioéconomique sur la mobilité de loisirs mais relèvent également l’influence non négligeable de deux autres variables qui agissent séparément et en interaction : le rapport au cadre de vie et le contexte urbain. Par ailleurs en neutralisant l’effet revenu et l’effet de la position socioéconomique, les résultats confirment bien une influence statistiquement significative de la localisation géographique. Les résidents du centre parcourent toujours davantage de kilomètres pour la mobilité de loisir que les péricentraux et les périurbains et leur mobilité globale (travail + loisir) est quasi équivalente à celle des périurbains et des péricentraux. L’analyse à l’échelle du quartier permet de vérifier l’hypothèse d’une mobilité de compensation et de préciser quels sont concrètement les éléments contextuels décisifs dans le choix des motifs de loisir. L’analyse du contexte à différentes échelles (l’agglomération, la localisation géographique, le quartier et l’habitat) confirme l’influence d’éléments importants qui expliquent une part importante de mobilité de loisir en termes kilométriques tels que le manque de calme, d’espaces verts et d’intensité des tissus associatifs et sociaux et la localisation de l’offre de loisir dans l’agglomération. On observe ensuite l’influence de l’offre de transports ferroviaires, de la densité et du statut d’occupation du logement (propriétaire ou locataire). Le type de logement (maison individuelle ou immeuble) n’a, en revanche, pas d’influence sur la mobilité de loisir.
Les résultats obtenus montrent le rôle du rapport au cadre de vie dans la construction d’un mode de vie sur lequel se fonde la mobilité de loisir. L’attention portée à la relation entre le ménage et son cadre de vie permet de montrer que la mobilité de loisir dépend notamment de la représentation que le ménage se construit de son cadre de vie.
Thèse soutenue le 30 novembre 2012
Mots clés : mobilité de loisir, pratique, étalement urbain, représentations, cadre de vie, intensité urbaine
Ecole doctorale : Ville Transports et Territoires