Lise Desvallées soutient sa thèse de doctorat sous la direction d’Olivier Coutard et co-encadrant Jonathan Rutherford le mercredi 3 juillet 2019 (salle A017, Bâtiment Bienvenüe)
Problématisation, politisation et résorption des vulnérabilités énergétiques: entre droit à l’énergie et contrôle des pratiques des pauvres à Porto et Barcelone
50 millions d’Européens rencontrent des difficultés financières pour se chauffer, cuisiner ou éclairer leur logement. Les ménages qui se privent de ces services faute de revenus suffisants, qui consacrent une part importante de leurs budgets à ce poste de dépense, sont en situation de vulnérabilité énergétique. La législation européenne requiert des États membres qu’ils établissent des politiques de mesure et de résorption du problème. Cet objectif est complexe parce que la vulnérabilité énergétique est au croisement d’un ensemble de facteurs saisis par des politiques sectorielles distinctes : le prix de l’énergie, l’efficacité énergétique des logements, les aides sociales.
Cette thèse pose la question des conditions d’émergence du problème des vulnérabilités énergétiques dans les agendas publics nationaux et locaux en mobilisant une approche d’Urban political ecology. L’enquête comparative est menée dans deux villes (Porto et Barcelone) où l’enjeu est important et traité de manières distinctes. Notre analyse propose d’étudier les facteurs qui se combinent pour créer des situations de vulnérabilité, et les faire émerger comme un problème public. Elle s’intéresse à la fois aux législations, aux innovations locales et au traitement médiatique du problème. Nous confrontons ces formes d’action collective avec une étude des conditions concrètes de vulnérabilité énergétique vécues par des ménages précaires accompagnés par l’assistance sociale et par des associations caritatives.
Le principal résultat de la thèse est que les situations de vulnérabilités énergétiques sont politisées, ce qui implique à la fois de nouveaux acteurs et des acteurs traditionnels de la gouvernance de l’énergie et se traduit par deux types de réponses. Nous montrons aussi comment la militance de collectifs associatifs fait émerger un droit à l’énergie, qui n’est pas inscrit dans la législation nationale et qui, sous la pression de nouveaux mouvements sociaux, devient un impératif pour les collectivités locales. Nous montrons enfin la diffusion d’un modèle d’interventions auprès de ménages qui vise à réduire les consommations pour diminuer le montant des factures et limiter le nombre d’impayés d’énergie. Ce modèle expérimental et peu onéreux rencontre les intérêts d’organisations issues de la société civile, de collectivités locales, de fournisseurs d’énergie même s’il représente pour les ménages vulnérables une prolongation de leurs efforts de réduction de leurs factures d’énergie.
Mots-clés: vulnérabilités énergétiques, pauvreté énergétique, Urban political ecology, transition énergétique urbaine, Espagne, Portugal
Composition du jury :
- Stefan Bouzarovski, Professeur des universités, University of Manchester (Rapporteur)
- Olivier Coutard, Directeur de recherche, CNRS (LATTS) (Directeur de thèse)
- Sylvy Jaglin, Professeur des universités, Université Paris Est Marne la Vallée (Présidente du jury)
- Hélène Reigner, Professeur des universités, Université Aix-Marseille (Rapporteur)
- Jonathan Rutherford, Chargé de recherche, École des Ponts Paris Tech (co-encadarant de la thèse)
- David Saurí, Professeur des universités, Universitat Autónoma de Barcelona